• Il fait déjà nuit noire depuis au moins une heure, pourtant il est tout juste sept heures du soir (19h) . Il fait froid, un vent glacial souffle, c'est l'hiver.

    Le trajet jusqu'à Cosquérou lui semble bien long ce soir. Il a hâte d'arriver pour se mettre au chaud. Mais est-il encore sur le bon chemin ? Il le devine à peine dans cette nuit noire comme de l'encre.     

    Il aurait dû emprunter de quoi s'éclairer avant de quitter le débit de boissons qu'il fréquente quotidiennement.

    Il a un peu de mal à marcher droit, normal d'après lui, il doit lutter contre les rafales de vent pour avancer.

    Il entrevoit ou plutôt devine l'entrée de la propriété de ceux qu'il considère déjà comme ses futurs beaux-parents.  

    Depuis bientôt une année, il vient faire la cour à la plus jeune fille de la maison. Une jeune fille de bonne famille, une famille propriétaire du domaine de Cosquérou depuis plusieurs générations.

    Qui sait ? d'ici quelques années c'est peut-être lui qui, par ce mariage, deviendra le maître de Cosquérou.  

    Tout à ses rêveries, il ne s'est pas aperçu qu'il est maintenant très proche d'un endroit de la propriété qu'il n'a jamais apprécié que ce soit de nuit comme de jour d'ailleurs.

    Il va passer devant le seul noyer du domaine, et quel noyer, immense et majestueux. Ses branches font penser à des bras ou encore mieux à des tentacules.

    S'il ne tenait qu'à lui, il l'aurait fait abattre. Il presse le pas pour ne plus l'avoir sous les yeux.

    Mais une lueur aveuglante le stoppe net. Devant lui se dresse une personne, telle une apparition. Une religieuse dont il reconnaît les traits.

    Non ce n'est pas possible ! Il rêve. C'est une hallucination. Il va fermer les yeux et lorsqu'il les ouvrira, elle sera partie.

    Mais non, elle est toujours là, droite comme un I . Son regard brûlant fixé sur lui et elle s'adresse à lui.

    Lui n'en peut plus, il est tétanisé, son cœur s'emballe, il pense qu'il va mourir. Elle vient le chercher....Non elle a un message pour lui...

    Il écoute la voix de la soeur aînée de sa bien-aimée qui lui demande d'abandonner ses projets de mariage. Elle ne veut pas que sa soeur lie sa vie à un ivrogne. Elle ne veut pas que sa soeur soit malheureuse.

    "Laisse la, rentre chez toi l'ivrogne, allez file...." sont ses derniers mots, ses derniers ordres avant de disparaître".         

    Prenant ses jambes à son cou, il se précipite à la ferme et raconte à ses futurs beaux-parents la rencontre qu'il vient de faire.

    Il vient de voir leur fille aînée, celle qui a trépassé il y a quelques mois, celle qui désirait tant se consacrer à Dieu, habillée en religieuse, sous le noyer..... 

    F comme Fantôme Familial

    Comme vous pouvez l'imaginer cette histoire de fantôme dans la famille a toujours eu un certain succès auprès de mes soeurs et moi.

    Maman nous l'a si souvent racontée. D'après elle, le mariage projeté avait quand même eu lieu. Donc, j'espère que cette rencontre surnaturelle a eu un effet bénéfique sur l'addiction du futur marié. 

    Maman ne nous a jamais précisé de nom de famille. Aussi j'ai dans l'idée d'étudier de plus près les recensements de Telgruc afin de tenter d'élaborer quelques hypothèses....  

     

    Marielle BATHANY-LE GOFF


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  • "Cultivateur à Quinivel en Telgruc, je suis né le 4 décembre 1826 dans cette même commune. Depuis deux ans, Charles X est notre roi. Dans quatre années, Alger sera prise et la conquête de l'Algérie pourra commencer.

    E comme Etienne GOURMELEN en 100 mots

    Pendant mon enfance, j'ai le souvenir d'avoir entendu mes parents Jean GOURMELEN et Clémence KERSPERN commenter ces événements qui feront l'histoire de France.       

    Ici à Telgruc, on est bien loin d'Alger, beaucoup de savent pas lire, mais on peut compter sur le curé de notre village pour tous les dimanches nous faire une revue de presse. 

    L'année de mes 8 ans en 1834, j'ai perdu ma mère. Une année plus tard en 1835 mon père la rejoignait.

    J'étais l'aîné, j'avais 2 petits frères, Philippe né en 1828 et Thomas né en 1829 ainsi que deux petites soeurs, Marie-Anne née en 1831 et Anne née en 1833.       

    J'ai perdu mes deux petites soeurs à quelques semaines de mes parents.

    Mes frères et moi avons été recueillis par la famille. Heureusement nous avions encore notre grand-père maternel Maurice KERSPERN, nous ne le perdrons qu'en 1856, il avait 75 ans.

    C'est mon grand-père qui me donnera l'autorisation d'épouser la jeune fille de Crozon dont je suis tombé amoureux.

    Je l'ai épousé à Telgruc le 21 novembre 1849, elle s'appelle Michelle LE GENDRE.

    Nous nous installerons comme cultivateurs dans la ferme familiale de Quinivel.

    Nous aurons quatre enfants :

    • Marie-Anne en 1851
    • Marie en 1855 (l'arrière-grand-mère de Marielle, sosa 58 de Ronan) 
    • Jean en 1858
    • Jeanne en 1861
    • Clémence en 1863

    Lorsque je suis né, la Royauté gouvernait de nouveau la France , je vais mourir sous le Second Empire. J'ai 40 ans.

    Entre temps j'aurai connu la Monarchie de Juillet puis la seconde République. 

    J'ai vécu cinq ans de plus que mon père, ma vie fut courte mais bien remplie. Pourtant comme beaucoup de paysans de France, je suis un "Invisible". 

    Dieu me rappelle à lui le 15 mars 1867.

    E comme Etienne GOURMELEN, un invisible

     

     

     Je suis Etienne GOURMELEN, un des nombreux invisibles qui peuplent l'arbre familial de Ronan. 

    **********************

    Merci à Elise du Blog "Auprès de nos Racines" pour avoir si bien parlé des "Invisibles".

    http://www.aupresdenosracines.com/2014/04/histoire-familiale-comment-parler-des-invisibles.html

     


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  •  

    D Comme Douze enfants dans la famille

     

    Jusqu'à présent sur la branche maternelle de Ronan, c'est le couple de sosas 56 et 57 qui détient le record de la famille nombreuse : sept garçons + 5 filles = 12 enfants.

    J'imagine déjà dans la ferme familiale toute cette marmaille installée autour de la très longue et solide table en chêne de la pièce principale.

    Le plus petit n'a pas encore un an, mais il trône déjà fièrement sur les genoux de sa soeur aînée à qui il a été confié.

    Bien qu'il soit l'objet de toutes les attentions de sa fratrie, lui n'a d'yeux que pour la personne qui s'active aux fourneaux, l'être le plus important de sa vie, sa maman.  

     J'imagine, les rires, les plaisanteries, la joie, les chamailleries, les gros mots qui fusent de cette tablée. Et surtout les gros yeux de Jeanne la maman, qui tente ainsi de dompter sa tribu mais qui a du mal à garder son sérieux. Quelle belle famille !

    Mais le réalité est tout autre...... 

    Corentin BATANY, le père, est né à Telgruc le mardi 25 juillet 1825 de Jean BATANY et de Clémence LE BIDEAU.   

    Jeanne LE STUM, la mère est née à Argol le lundi 20 octobre 1823 de Jean LE STUM et de Catherine Daniel.  

    Leur mariage est célébré le samedi 12 juillet 1845 à Argol. Corentin a 29 ans et Jeanne 21 ans.   

    Ensemble, ils vont exploiter une ferme à Lardanva en Telgruc.

    Douze enfants vont naître de leur union : 

    • Geneviève le 2 août 1846 
    • Daniel le 14 novembre 1847
    • Corentin Marie le 8 mars 1849
    • Corentine Perrine le 22 juin 1851
    • Jeanne le 11 février 1853
    • Alain le 3 janvier 1855 (sosa 28 de Ronan donc mon arrière-grand-père)
    • Jean le 4 novembre 1856
    • Marie Jeanne le 29 octobre 1858
    • Yves le 3 septembre 1860
    • Corentin le 11 septembre 1862
    • Jacques le 19 octobre 1864
    • Anne le 31 décembre 1867

     

    Hélas, la joie des naissances est vite atténuée par les décès de certains des enfants en bas-âge.

    Le petit Corentin Marie meurt en 1849, trois mois après sa naissance.    

    Au moins de janvier 1850, Geneviève et Daniel décèdent à 10 jours d'intervalle.

    En 1852, Corentine Perrine ne survit pas à son premier anniversaire.

    En 1870, c'est Jeanne qui succombe à son tour, elle a 16 ans.

    En 1875, la mort rattrape Jean, il a 18 ans.

    En 1877, c'est le père des enfants, Corentin qui quitte cette vie, il a 62 ans.   

    Alain, mon arrière-grand-père, a épousé Marie GOURMELEN en 1878, hélas il décédera accidentellement en 1882.

    Sept mois plus tard, en décembre 1882, Jeanne LE STUM , la maman trépasse, elle avait 59 ans.  

    Marie Jeanne en 1879 épousera Magloire Guénolé LE MONZE.

    Yves convolera en 1884 avec Clémence GOURMELEN la petite soeur de Marie, mon arrière-grand-mère.

    Anne épousera Hervé LE BOT en 1885.

    Jacques en 1886 épousera Jeanne Marie LAURENT.  

    Corentin en 1888 se mariera avec Marie Isabelle LE THEO.

    *********************

    Sur 12 enfants, 6 n'ont pas atteint l'âge de 20 ans, soit 50%. Quatre sont morts en bas-âge. 

    Je n'ose imaginer le chagrin des parents, en particulier celui de la maman.   

    Heureusement les progrès de la médecine ont largement contribué à faire baisser la mortalité infantile.  

    J'espère que chez les enfants survivants, une descendance existe.....et peut-être des cousins ou cousines partageant le même virus que moi.....

    Marielle BATHANY-LE GOFF   

        


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  • Nous sommes le 11 mai 1882, pas un seul nuage ne vient perturber le bleu du ciel. Le soleil brille et sur les bords du chemin des fleurs sauvages multicolores exhalent leurs parfums de printemps.

    Alain BATHANY et Clémence GOURMELEN, sa belle-soeur reviennent tranquillement à bord de leur charrette du marché de Châteaulin.

    Ils sont contents les affaires ont été bonnes. Alain fait rire Clémence en lui imitant un des marchands de bestiaux avec qui il a fait affaire. Afin de rendre son imitation plus réaliste il a lâché les rênes de son cheval.  

    Alain apprécie beaucoup Clémence qui elle est la petite soeur de Marie GOURMELEN sa tendre épouse.

    D'ailleurs il a cru remarquer que dans sa famille il n'est pas le seul à l'apprécier. Un de ses jeunes frères, Yves vient souvent leur rendre visite et sa visite coïncide à chaque fois avec celle de Clémence.

    Il faudra qu'il en parle à Marie , s'il y a un début d'idylle entre ces deux là, elle est certainement dans le secret. D'ailleurs, ça expliquerait certains commentaires de Marie. Une fois de plus il n'a pas vu plus loin que le bout de son nez.

    Ça lui plairait bien que Clémence devienne une fois de plus sa belle-soeur.   

    Il aurait bien aimé que Marie les accompagne au marché, mais à deux mois de son terme, ce n'était pas très prudent. Corentin, leur aîné de 2 ans et demi la fatigue déjà beaucoup. Peut-être que Clémence pourrait s'installer chez eux afin de s'occuper de Corentin, cela soulagerait Marie. Il est déjà prévu qu'Yves vienne donner un coup de main à la ferme.Il faudrait juste surveiller les amoureux mais Marie pourrait faire office de chaperon.      

    Maintenant, Alain est pressé de rentrer afin d'annoncer son plan à Marie. En plus, il a hâte d'offrir les friandises qu'il a achetées chez le confiseur à son petit Corentin.

    Il est presque 17 heures, ils arrivent enfin à l'embranchement de la route de Plomodiern. Une autre charrette va bientôt les croiser. Afin de guider au mieux son cheval, Alain se penche pour récupérer ses rênes.

    Que s'est-il passé ? Un faux mouvement ? un étourdissement ? nul ne le sait.

    Mais Alain perd l'équilibre et tombe sur la chaussée. Clémence hurle. On arrête enfin la charrette.

    Trop tard, la tête broyée par la roue de sa charrette, Alain expire dans les cinq minutes suivantes sans avoir prononcé une parole. Il avait 28 ans.   

    C comme Charrette Mortelle

    Alain né le 3 janvier 1855 à Telgruc était le fils de Corentin BATANY et de Jeanne LE STUM.       

    Alain et Marie se sont mariés le 10 novembre 1878 à Telgruc, en 1879 naîtra Corentin Marie .

    Alain meurt accidentellement le 11 mai 1882 à Plomodiern.

    Deux mois plus tard, le 9 juillet 1882, Alain Marie, mon grand-père, viendra au monde.  

    Le 25 mai 1884, Yves BATANY épousera Clémence GOURMELEN à Telgruc. 

    **********

    L'arrière-grand-père mort d'un accident de charrette est un fait que je connais depuis l'enfance .

    Je me posais beaucoup de questions , j'imaginais un cheval qui s'emballait. Maman n'avait pas plus de détails.

    Aussi c'est avec une certaine émotion que j'ai trouvé ce petit article dans le journal "Le Finistère" publié le 20 mai 1882.

    Le journaliste a fait des erreurs au niveau des Patronymes mais il s'agit bien de l'accident mortel dont a été victime mon arrière-grand-père. 

    C comme Charrette Mortelle

     

    Marielle BATHANY-LE GOFF


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  • C'est la seule grand-mère que j'ai connue et surtout dont je me souvienne.

    Je me rappelle un lit très haut, un énorme édredon bordeaux, de grands oreillers blancs brodés comme les draps . Et perchée tout là-haut ma mémé de Cosquérou qui portait un prénom qui me choquait et qui, je dois bien l'avouer me faisait bien rire : Barbe.  

    Maman avait beau dire que Barbe était la traduction française de Barbara, je trouvais qu'elle avait un prénom bien bizarre à moins que Mémé ne cache une barbe...

    Mais du haut de mes 7 ans, si je n'avais pas vu de barbe, j'avais constaté que Mémé cachait sous son foulard noir un chignon.

    Chaque soir, elle défaisait son chignon et elle brossait une très longue chevelure blanche qui lui arrivait dans le bas du dos.

    B comme Barbe Marie MARCHADOUR, ma mémé de Cosquérou

     Photo prise à Cosquérou : Maman, moi, Mémé Barbe, ma soeur Lydie, Tante Marie Anne. 

    Ma mémé Barbe est née le 9 juin 1886 à Cosquérou en Telgruc. Elle est la fille aînée de Magloire MARCHADOUR et de Marie Jeanne BOUSSARD.

    B comme Barbe Marie MARCHADOUR, ma mémé de Cosquérou

    Ses parents exploitent la ferme de Cosquérou. Barbe aura bientôt deux petits frères :

    • Hervé Corentin en 1888 et Olivier Pierre Marie en 1891. 

    Le 20 octobre 1907 elle épouse Alain Marie BATHANY à Telgruc.

    Ensemble, ils reprendront l'exploitation de la ferme de Cosquérou après la disparition des parents de Barbe.

    Six enfants naîtront de cette union : 

    • Marie Jeanne en 1908 
    • Marie Anne en 1910 
    • Corentin en 1913 
    • Marie Rosalie en 1915 
    • Thérèse en 1919 
    • Germaine en 1928 (ma mère et grand-mère maternelle de Ronan) 

    Alain, mon grand-père décède le 4 mars 1962. Barbe va lui survivre encore 10 ans, elle meurt le 3 mai 1972, j'avais presque 8 ans.

    J'ai des souvenirs très précis de la mort de ma grand-mère.

    Bien entendu mes soeurs et moi étions trop jeunes pour assister aux funérailles. Donc nous avions été confiées pour quelques jours à une de nos tantes paternelles.

    C'était la fête car nous nous retrouvions avec nos cousins et cousines, et je revois encore mon oncle jouer de l'accordéon et nous tous faisant une ronde autour de lui.

    Et puis mes parents sont rentrés du Finistère (nous habitions Plouëc-du- Trieux dans les Côtes d'Armor) et sont venus nous récupérer.   

    Je me revois avec mes parents dans le garage, papa décharge les bagages du coffre de la voiture. Et moi qui demande "elle était comment Mémé Cosquérou" , on m'explique que lorsqu'on est mort on ne bouge plus, on est allongé dans un lit avant d'être placé dans un cercueil puis enterré dans un cimetière.

    Et moi de répondre en faisant de grands gestes :  "Et ben moi quand je serai morte, je bougerai ma main, mon pied, ma jambe et je dirai je suis vivante je suis vivante...."

    "Pourquoi elle a pas fait ça Mémé Barbe ?" 

    B comme Barbe Marie MARCHADOUR, ma mémé de Cosquérou

    Je crois bien me souvenir avoir vu mes parents se mettre à rire.

    Pas facile d'expliquer ce que la mort veut dire à un enfant de 8 ans.  

       

    Marielle BATHANY-LE GOFF

     


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