•  

     

    En ce début du mois de mai 1914, l'Europe vit ses derniers mois de paix.

    Les habitants de la commune de Plouëc dans les Côtes-du-Nord (22) ne sont préoccupés que par le temps.

    En effet, l'hiver qui vient de passer a été très glacial. Et le soleil du printemps a bien du mal à réchauffer la campagne bretonne.

     

    D'ailleurs, Jean-Baptiste PIERRÈS, en ce vendredi soir, dort déjà depuis un bon moment du sommeil du juste.

    Jean-Baptiste est cultivateur, la journée a été longue et fatigante. Il en faut faire des heures de travail afin de subvenir aux besoins de toute sa famille.

    Il est le chef d'une maisonnée de dix personnes : lui, Marie-Yvonne HERVÉ sa femme, leurs quatre filles, deux belles-filles de la première union de sa femme, Achille leur neveu de 18 ans et Jean Marie LUCAS leur domestique.

    Tout à coup, il se réveille en sursaut, non, il n'a pas rêvé, une de ses belles-sœurs appelle à l'aide.

    Elle crie au feu !

    La maison voisine, contiguë à la sienne, serait en feu.

    La maison voisine, c'est celle de Yves-Marie HERVÉ, son beau-frère.

    La suivante est celle d'un autre frère et des deux sœurs de Marie-Yvonne, son épouse.

     

    Jean-Baptiste se précipite dans la cour commune.

    Par la fenêtre, il voit qu'un feu s'est propagé dans la pièce principale.

    Impossible d'ouvrir la porte ! Fermée de l'intérieur !

    Il appelle désespérément Yves-Marie, personne ne répond.

    Son beau-frère n'est pas à la maison .

    Plus qu'un seule solution, briser la fenêtre pour pénétrer dans la maison.

    Oui mais avec quoi ?

    Ses yeux se posent sur une échelle, le temps presse, cela fera bien l'affaire.

    L'échelle vient heurter les carreaux, ils explosent.

    Jean-Baptiste s'engouffre par l'ouverture, puis se jette sur la porte pour libérer l'entrée.

    Avec l'aide des voisins, le feu est maîtrisé rapidement.

    Les autres maisons ne risquent plus rien.

     

    Jean-Baptiste, tout à coup se fige.

    Il fait précipitamment sortir les femmes et les enfants de la maison, les hommes ont vite compris pourquoi.

    Près du foyer, très près pour ne pas dire dans le foyer, un corps est allongé, le corps à moitié carbonisé d'Yves-Marie HERVÉ.

     

    Jean-Baptiste prend les choses en main, il faut prévenir le maire, les gendarmes, ses belles-sœurs ainsi que son épouse. 

     L'enquête de gendarmerie a conclu à une mort naturelle.

     Yves-Marie, âgé de 56 ans, souffrait depuis des années d'une maladie cardiaque.

     Un malaise l'a certainement fait chuter dans le foyer.

     Et hélas, il ne lui a pas été possible de se relever.

     

     

     

     

     ***********************

    La famille HERVE sont des descendants de Guillaume LE DUC et Isabeau LE CARZER, les sosa 528 et 529 de Ronan (branche paternelle).

    Ce couple vivait à Ploëzal dans les années 1730-1750.  

     

    Marielle BATHANY-LE GOFF 

     


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  • Mais que fait mon patron à gesticuler dans tous les sens ?

    A hurler tout ce qu'il peut ?

    Complètement affolé ! Mieux ! Hystérique !

    Il hurle après sa femme, mais qu'a-t-elle fait ?

    Il n'y a pas plus gentille que cette dame, à part mon Angèle bien sûr.

     

    Je me demande si j'ai bien fait de me faire embaucher dans cette exploitation, vu son comportement  d'aujourd'hui.

    Il ne m'écoute même pas, il ne m'entend pas, c'est comme si j'étais transparent... 

    Pourtant on m'avait assuré que c'était un bon patron, ce Monsieur Cozannet, exigeant au niveau travail,  mais juste avec ses employés et cela est assez rare de nos jours. 

     

    Je suis, depuis ce matin, chargé de couper à la faucille, les hautes herbes de ce champ.

     La patronne aime nourrir les lapins avec de l'herbe fraîche.  

    D'ailleurs, elle, ainsi que les domestiques arrivent en courant, d'ici peu toute la maisonnée sera sur mon lieu de travail.

      "- Allez chercher le docteur mais également le maire,... non allez d'abord chez le maire, il a le téléphone, il contactera le docteur ….., je pense que prévenir le recteur ne sera pas de trop non plus !"

     Aussitôt, deux domestiques obtempèrent, le moment de panique du patron semble passé.

    Mais franchement faire appel au docteur, je ne vois pas pourquoi, c'est vrai que la patronne est bien pâlichonne, je crois même qu'elle a les yeux tout larmoyants.

    A moins qu'elle ne soit malade ou enceinte, enfin c'est un peu tôt pour déjà parler baptême avec le curé. 

     

    Moi aussi cela me plairait bien de voir un médecin et monsieur le recteur pour un tel événement.

     

    Marie-Angèle et moi nous n'avons pas encore d'enfant, mais nous ne désespérons pas.

    Nous nous sommes mariés le 22 novembre 1926 à Plouëc, Marie- Angèle KERAIN et moi, Jorand Paul Marie AVE.

    Je suis le dernier enfant de Charles Marie AVE et de Marie Louise AVE. Je n'ai pas de souvenir très précis de mon père, j'avais à peine 6 ans lorsque je l'ai perdu.

    Mais j'ai de nombreux frères et sœurs, mon père a eu 15 enfants de deux épouses.

    Maman va décéder neuf mois avant mon mariage.

    Elle s'est toujours inquiété pour moi, pas parce que j'étais le plus jeune mais à cause d'une maladie qui m'empoisonne la vie.

    Je souffre depuis plusieurs années de "Grand mal", ou d'épilepsie comme préfère dire le médecin.

    Quelque fois je me dis que c'est ce "grand mal" qui fait que je ne sois pas encore père, même si le docteur n'y croit pas.  

     

    Tiens voilà justement le docteur, accompagné du maire et de monsieur le recteur....... si ça continue, toute la commune de Plouëc va se retrouver dans ce champ.

    Ben alors là c'est la meilleure ! maintenant c'est Joseph, mon frère aîné, qui arrive à grand pas.

    Il n'a pas l'air d'être dans son assiette mon cher grand frère .

    Son arrivée fait taire tout le monde puis, mon patron lui adresse la parole.

    "Je suis désolé Joseph, je suis arrivé trop tard, je n'ai rien pu faire".

     

    Et moi, je ne comprends pas, trop tard pour quoi ?

    Puis les gens s'écartent , un corps est allongé dans l'herbe fraîche, Joseph, en pleurs, tombe à genoux, et me prend dans ses bras.

     

    J'ai enfin compris que je n'aurai jamais d'enfant avec ma douce Angèle, en ce 20 août 1936 le grand mal a eu raison de moi….je n'ai que 34 ans.

     

     

     

    (Ouest-Eclair du 21/08/1936)

     

     ************************

    Charles Marie AVE et Marie Louise ANDRE sont les sosa 44 et 45 de Ronan, Joseph le sosa 22  (branche paternelle).

    Marie Angèle KERAIN est la petite- fille de Pierre Marie LE CAER et Marie Anne LE DU, les sosa 52 et 53 de Ronan (branche maternelle)    

     

    Marielle BATHANY-LE GOFF


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  • Marie Victoire ARZUL est un peu inquiète ce soir.

    Il est près de 17 h et les enfants ne sont toujours pas rentrés de l'école.

    En ce 5 février 1913, il fait froid dehors et il ne tardera pas à faire nuit noire.

    Elle est seule à la maison, la soupe mitonne sur le feu.

    Que c'est long d'attendre…..

     

    Après le travail aux champs, François Marie LE GOFF son époux, devait se rendre chez  le sabotier . Il veut voir s'il est possible de réparer une de ses vieilles paires de "boutou coat" (sabots en bois) et également  connaître le prix d'une paire de sabots neufs pour Yves-Marie, le plus jeune des garçons.

     

    (recensement Coatascorn 1911 - Archives Départementales des Côtes d'Armor)

     

    A l’affût du moindre bruit, elle se précipite dehors, mais oui !

    Elle avait bien entendu !

    Il y a bien une ombre qui avance d'un bon pas sur le chemin.

    Elle reconnaît, sans peine, Henri, son fils aîné de 14 ans.

    Henri travaille avec son père sur l'exploitation.

    Il se passionne pour l'agriculture et en particulier pour les chevaux.

     

    Marie Victoire, se précipite vers son fils et lui fait part de son inquiétude.

    Henri la rassure, Alphonse et Yves-Marie sont certainement sur le chemin du retour. Ou alors ils sont peut-être en retenue à l'école.

    Marie Victoire n'y croit pas.

    Alphonse âgé de 11 ans est un excellent élève.

    Yves-Marie, quant à lui, n'a que 7 ans et n'est pas encore assez déluré pour faire des bêtises à l'école et se faire punir.

    Non ! il y a forcément une autre raison.

     

    Henri lui dit que les garçons vont forcément croiser leur père qui devait aller chez le sabotier.

    Et vu l'heure, il en connaît un qui va se faire tirer l'oreille.

    Car si on peut avoir toute confiance en Alphonse pour prendre soin de son petit frère, toute la famille sait que le garçon se laisse souvent porter voire déborder par son imagination.

     

    Voyant l'inquiétude de sa mère grandir de minute en minute, Henri lui propose de faire le chemin jusque l'école.   

    Il n'a pas le temps de faire trois pas que la voix de son père se fait  entendre dans la nuit.

    "Non !

    Alphonse !

    Interdiction de parler d'Ankou, de sorcière,ou de loup ! 

    Tu fais peur à ton petit frère, tu vas avoir affaire à moi ! Tu es prévenu ! Allez ! Ouste !

    A la maison : devoirs, souper et au lit !

    Et plus un mot !"

     

    Alphonse, tête basse et bougonnant, le petit Yves-Marie tout effrayé et agrippé à la main de son père, retrouvent le reste de la famille dans la cour de la ferme. 

     

    Les deux garçons pénètrent dans la maison, François retient son épouse et Henri dans la cour.

    En quelques mots, il raconte le malheur qui vient de frapper la famille du sabotier de leur village de Coatascorn.

    Eugène, leur petit de deux ans, a disparu subitement. Le bourg entier s'est mobilisé pour mener les recherches.

    Hélas.... rien..... rien de rien.

    La nouvelle de cette disparition mystérieuse s'est propagée comme une traînée de poudre .

    Et évidemment, l’école communale na pas été épargnée.

    Dès la sortie des classes,la quasi-totalité des élèves se sont retrouvés sous les fenêtres des sabotiers.

     

     (Ouest-Éclair du 02/04/1913) 

     

    Marie Victoire est soulagée de voir ses petits rentrer au bercail.

    Elle ne peut s'empêcher de penser à la pauvre maman qui attend désespérément le retour de son enfant.

    Elle qui a eu la chance, ce soir là, de retrouver les siens .

     

    Pendant un peu plus de deux mois, cette disparition restera inexpliquée. Puis le 16 mai 1913, un pécheur de la commune voisine de Runan fera une macabre découverte dans la rivière. 

     

     

    (Ouest-Eclair du 21/05/1913)

     

    (Ouest-Eclair du 21/05/1913)

     

    **********************

    François Marie LE GOFF Marie Victoire ARZUL  sont les sosas 24 et 25 de Ronan (branche maternelle). Henry LE GOFF est son arrière-grand- père (sosa 12).  

     

    Marielle BATHANY-LE GOFF

     


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  • Aujourd'hui je rentre enfin chez moi, je suis heureux.

    Je suis parti depuis tellement longtemps.

    Au moins 7 ans

    J'ai tellement hâte de revoir mon clocher, mon village, mes amis, ma famille, ma maison et ma mère,

    Surtout ma mère…………

     

    Je suis né le 1er septembre 1892  à Plouëc dans ce que vous appelez maintenant une famille monoparentale.

    Et oui, maman, que j'aime tant, était une maman solo, et nous serons cinq : 3 garçons et 2 filles.

    Je suis son deuxième enfant mais son premier fils.

    N'ayant pas de père à la maison, j'étais l'homme de la maison.

    Maman s'appelait Jeanne Marie LE GOFF.

    Elle avait un grand frère François LE GOFF (le sosa 24 de Ronan) de qui elle était très proche. Mais également une jeune sœur qui portait le même prénom qu'elle (ce qui a perturbé la généalogiste de la famille pendant un certain temps !), cette sœur émigrera pour Guernesey et hélas y décédera en 1899.

    En 1906, j'ai 13 ans, je suis placé comme domestique chez Pierre Ollivier-Henry, un propriétaire d'exploitation agricole de Plouëc. Dans huit ans, je serai teilleur de lin et je résiderai dans la commune voisine de Squiffiec (22).

    Je peux ainsi aider un peu financièrement ma famille.

    Je regrette de n'avoir pas eu l'occasion d'apprendre à lire et à écrire.

    Mais je me console avec le fait que visiblement je plaise aux filles, mes yeux bleus foncés font des ravages au sortir de la messe.

    Et franchement, ça me plait bien !  Mais ça plaît moins à Maman !  

    Puis en 1913, comme d'autres garçons de ma classe, je vais rejoindre mon régiment afin d'accomplir mon service militaire.

    Je suis incorporé le 8 octobre 1913 au 47ème Régiment d'Infanterie, en tant que soldat de deuxième classe. 

    Je suis donc déjà sous les drapeaux lors de la déclaration de la guerre. Pour mes camarades et moi c'est la stupéfaction, nous ne croyons pas la guerre possible et pourtant.......elle est à notre porte.

    Le 7 août 1914, me voit partir pour le front……maman doit être inquiète...elle pleure certainement.......

     

    Mais aujourd'hui, je reviens ! pour de bon ! pour de vrai !

    Il peuvent toujours dire que je suis mort au combat le 8 octobre 1914, tué à l'ennemi à Mercatel du coté d'Arras, la seule chose qui compte en ce 26 mars 1922, c'est mon retour !

     

    Je vais enfin retrouver mon pays,

    Reposer pour toujours dans ma terre de Bretagne,

    Mais surtout revoir ma mère,

    Lui dire de sécher ses larmes

    Je rentre enfin à la maison maman !

    Et c’est pour toujours…

     

    Je suis un des nombreux Glorieux Morts,

     Moi,  Auguste Marie LE GOFF

     

     (Source L'Ouest Éclair du 25/03/1922)

     

    **************************

     

    Auguste Marie LE GOFF est le neveu de François LE GOFF, sosa 24 de Ronan (branche maternelle)

    Il est également le grand-oncle de Carole LE BRUNO, et donc celui d' Audrey LE CHAFFOTEC. 

     

    Marielle BATHANY-LE GOFF

     

     

     


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  • Et bien moi je suis le B de ce Challenge AZ !

    Challenge qui fait parler jusque dans la presse d'après ce que je crois savoir.

    Moi aussi, c'est par la presse que je suis connue.

    Avoir son nom dans le journal, quelle consécration !    

    Ah ! Si mon cher époux avait pu voir cela ! Quelle revanche !

     

    Je suis née le 6 mars 1845 à Ploëzal de père inconnu.

    Ma mère Marie BILIOU m'a donné comme prénom Barbe.

    Je suis donc une enfant naturelle pour l'état civil et une bâtarde pour d'autres .

    Le 8 mai 1867 à Ploëzal, je vais épouser Jean Louis Marie GOURIOU.

    J'ai 22 ans, il en a 42.

    Ses parents comme ma mère ne sont déjà plus de ce monde.

    Et c'est peut-être une chance car ma situation d'enfant illégitime pourrait faire grincer des dents.

     

    Mes enfants, eux, seront légitimes et je vais en avoir sept.

    Pour ma plus grande joie, deux de ceux-ci rentreront dans les ordres, Marguerite, une de mes cinq filles et Paul, mon petit dernier

    Je n'ai pas eu la chance d'apprendre à lire et à écrire comme mes enfants ou comme Jean Louis, mon époux .

    Bien que je me demande si cela lui servait vraiment à mon cher et tendre car il n'a pas vu que sur l'acte de naissance de plusieurs de nos enfants, mon nom est orthographié PIRIOU et non BILIOU.

    Je suis peut-être une enfant naturelle mais je tiens, comme tout le monde, à mon nom de famille !  

    Vous comprendrez donc, que d'avoir mon nom correctement écrit dans le journal puisse me remplir de joie………même s'il s'agit de l'annonce de mon décès qui a eu lieu à Brest le mardi 1er septembre 1925 .

     

    Vous voyez, moi, Barbe BILIOU, j'en ai fait du chemin !

    De Ploëzal (22) à Brest (29) en passant par Lambézellec (29) cela doit faire au moins 125 kilomètres, mais je vais laisser mon cher époux vous raconter cela à l'occasion d'une autre lettre du Challenge AZ. 

     

     

     

    (Source : L'ouest éclair du 2 septembre 1925)

     

    **************************

     

    Barbe BILIOU est l'épouse d'un des fils de François GOURIOU et Marie Jeanne LONGEARD, les sosas 184 et 185 de Ronan (branche paternelle).

     

     

     

    Marielle BATHANY-LE GOFF


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